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L’IA dans les services publics : Bercy beaucoup ?

La source d’informations quotidiennes sur la tech en France.

Par KLARA DURAND

Avec OCÉANE HERRERO & EMILE MARZOLF

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AU MENU

— L’intelligence artificielle, star de la “Journée de la donnée” à Bercy.

— E-sport : la filière veut des garanties.

— Tractations entre Bercy et la Place Beauvau pour sauver le filtre antiarnaque.

Bonjour à toutes et à tous, nous sommes vendredi 8 novembre et vous lisez Tech Matin. Cette fois-ci, c’est la bonne : on vous révèle les tractations annoncées au menu d’hier (oups) pour sauver le filtre antiarnaque.

SO LONG. Vous les attendiez désespérément ? Nous aussi ! Les décrets d’attributions des ministres délégués et secrétaires d’Etat sont enfin là. On vous pointe ceux de Clara Chappaz, Marc Ferracci, Laurence Garnier, Agnès Canayer, Françoise Gatel et Othman Nasrou, qui seront investis sur les sujets numériques.

LE FAIT DU JOUR

GRAND RAOUT. C’est la “Journée de la donnée” aujourd’hui à Bercy. Quelque 300 participants — surtout des agents — sont attendus pour parler transfo numérique des services publics et intelligence artificielle (IA). Insee, Impôts, Inspection des finances… Plusieurs services vont présenter leurs projets d’ouverture et d’exploitation des données grâce à l’IA — et pas que pour cibler les contrôles fiscaux !

J’ai piscine. L’occasion, pour le labo spécialisé dans l’impact de l’IA sur l’emploi, LaborIA, de présenter ses recherches et teaser ses travaux en cours. L’idée est d’explorer la façon dont le déploiement de cette techno affecte les métiers du contrôle, à la “DGFIP, à la DGCCRF et à la Douane”, souffle un cadre de Bercy. Pour chacune des trois directions, deux “systèmes d’IA” seront examinés de près par les chercheurs, dont le fameux détecteur de piscines non déclarées, le “Foncier Innovant”.

IA un souci ? “Nous négociions depuis quelques années déjà pour que soit conduite une vraie évaluation indépendante des effets de l’IA sur les conditions de travail des agents”, confie un syndicaliste qui a participé à un groupe de travail, mercredi. Après une première phase d’exploration lancée il y a quelques mois pour cartographier les usages, les sociologues vont entrer dans le dur, pour mêler entretiens individuels et collectifs et observations “in situ”.

Objectif : voir comment les agents interagissent avec l’IA et comment celle-ci bouscule leurs habitudes métiers. Et éventuellement en tirer des leçons sur l’évolution nécessaire des compétences, voire des emplois.

Terminator. Les syndicats des finances publiques dénoncent depuis plusieurs années déjà un remplacement des agents par les algorithmes. Et pour cause : avec le seul projet “Foncier Innovant”, les Impôts ont justifié la disparition de 300 postes.

Leurs inquiétudes ont d’ailleurs trouvé un écho auprès des députés de gauche. Après avoir rencontré les organisations syndicales, plusieurs d’entre eux, dont Philippe Brun (PS) et Danielle Simonnet (Ecologiste), ont déposé des amendements en deuxième partie du projet de loi de finances pour 2025, afin d’annuler les quelque 500 suppressions de postes à la DGFIP voulues par le gouvernement.

JEU VIDéO

L’E-SPORT PÈTE LES SCORES. Vous êtes plutôt League of Legends ou Valorant ? Si ces noms de jeux vidéo ne vous disent rien, sachez qu’ils donnent lieu à de populaires compétitions dans une discipline qui ne cesse de faire parler d’elle : l’e-sport. Demain, 30 000 personnes sont attendues pour assister au KCX 4 Forever Rivals, une compétition organisée à Paris La Défense Arena — rien que ça. Dans cet article, Klara Durand vous en dit plus sur cette filière sportive en pleine structuration, qui cherche à se faire entendre des pouvoirs publics.

CHAMPAGNE. Denis Masséglia, député EPR passionné de gaming, a une nouvelle fois prouvé que la détermination paie : lors de l’examen du budget 2025 en séance publique à l’Assemblée, son amendement pour la prorogation du crédit d’impôt jeu vidéo jusqu’en 2031 a été adopté. L’élu en est le premier étonné : “La gauche, la droite et l’extrême droite avaient pourtant voté contre”, lors de sa présentation en commission des Finances, rappelle-t-il.

Tactique. Du côté du Syndicat du jeu vidéo, on n’est pas loin de sortir le champagne : “C’est un excellent signal vu le contexte pour l’ensemble des entreprises”, souligne leur déléguée générale Vanessa Kaplan, auprès de votre infolettre. Avec la pérennisation de ce levier fiscal, le syndicat espère voir de nouveaux investisseurs s’intéresser aux studios français.

Reste à savoir si l’amendement sera conservé dans la copie finale du projet de loi de finances pour 2025. Denis Masséglia n’a en tout cas pas manqué d’appuyer l’importance du dispositif auprès du ministre du Budget Laurent Saint-Martin.

CYBER

ARNAQUE. La mise en œuvre du filtre national de cybersécurité — le fameux “filtre antiarnaque” de la loi de 2024 sur l’espace numérique (Sren) — peine toujours à se concrétiser. A tel point que des négociations ont été engagées pour transférer le dossier de Bercy vers le ministère de l’Intérieur, a appris votre infolettre.

On rembobine. Promesse du président-candidat Emmanuel Macron lors de la campagne de 2022, ce filtre est censé prévenir les internautes lorsqu’ils se dirigent sur un site malveillant, puis bloquer son accès s’il n’est pas rentré dans les clous au bout de sept jours.

Impasse. Pour développer la solution technique, la direction générale des entreprises (DGE) comptait sur la plateforme Cybermalveillance.gouv.fr. Mais le marché de gré à gré entre les deux parties a capoté au début de l’été. Au motif, du point de vue de la DGE, que l’offre était trop cher. Cette dernière s’est donc tournée vers le privé, en piochant dans le catalogue de prestataires recensés par la centrale d’achats publics de l’Etat. Sans succès.

Beauvau à la rescousse. “Bercy a visiblement essayé différentes options et se tourne maintenant en dernier ressort vers le ministère de l’Intérieur”, confie une source Place Beauvau à mon collègue Emile Marzolf. Celui-ci évalue en effet l’opportunité de reprendre le chantier, qui pourrait atterrir à l’Office anticybercriminalité (Ofac), qui gère la plateforme de signalement Pharos. Il s’appuierait sur la nouvelle agence du numérique du ministère pour la conduite opérationnelle.

Par ici les sous. Contacté par votre infolettre, Beauvau se dit prêt à prendre le relais à condition que toute la charge administrative et financière ne repose pas sur ses services. Traduction : que les administrations qui bénéficieront du filtre — comme la répression des fraudes ou les douanes — mettent aussi la main au pot, et que le budget prévu pour ce projet, au sein de la DGE, lui soit transféré.

Seul hic, selon une source bien informée : si la DGE est prête à lâcher le bébé, elle n’est pas encore tout à fait partante pour tirer un trait sur les près de 4 millions d’euros qui vont avec.

CULTURE

CHOISIR SON SCÉNAR. Les rencontres cinématographiques de l’ARP, qui se tiennent dans le cadre paisible du Touquet, s’achèveront aujourd’hui avec un dernier débat consacré à la politique culturelle européenne. Notre petit doigt nous dit que la régulation du secteur de l’intelligence artificielle (IA) devrait être au menu des échanges : le sujet était en effet un incontournable des tables rondes et des discussions des derniers jours entre les acteurs du monde du cinéma. 

Leur grande appréhension : le respect des obligations de transparence sur les données d’entraînement des IA génératives, dont les pros du cinéma veulent savoir s’ils se basent sur le fruit de leur travail — et le cas échéant être rémunéré. A ce titre, le template de la juriste Alexandra Bensamoun, qui doit proposer une formalisation de ces obligations de transparence, est vivement attendu. Le Bureau de l’IA européen devrait par la suite proposer le sien et le faire appliquer aux entreprises d’intelligence artificielle.

Comment ils l’anticipent. Patrick Raude, secrétaire général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), s’est dit inspiré par les accords des entreprises d’IA, comme OpenAI, avec la presse : ils sont la cible à “viser et atteindre collectivement” pour le secteur du cinéma, selon lui. Un autre défenseur du droit d’auteur, croisé au moment des petits fours, s’attend plutôt à un combat de longue haleine, à la manière de celui de 2019 au moment de la transposition de la directive droit d’auteur. “Ils utilisent les mêmes arguments, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas besoin de nos contenus”, estime l’intéressé.

AGENDA

Toute la journée, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, est à Berlin pour participer au Falling Walls Science Summit, l’événement européen dédié à la science et à l’innovation.

A partir de 9h15, débute la Journée de la donnée au ministère de l’Economie.

RESTEZ BRANCHÉS

— L’Australie se dirige vers une interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, écrit Les Echos.

— En France, l’Autorité nationale des jeux enquête sur la conformité à la législation française de Polymarket, la plateforme de paris qui a fait fureur lors de la campagne américaine, rapporte Le Monde.

— Le gouvernement canadien ordonne à la filiale de TikTok de fermer ses portes sur son territoire pour des raisons de sécurité nationale, indique Le Journal de Montréal. L’utilisation de l’application est en revanche toujours permise.

Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et Jean-Christophe Catalon.

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